Emploi : «C’est le moment de prendre quelques risques»
Alexandre Viros, patron du Groupe Adecco dans l’Hexagone, livre son analyse du marché du travail et de ses perspectives en 2022. Il se réjouit notamment de la prise en compte des soft skills dans l’évaluation des candidats.
Grâce à son outil Adecco analytics, le groupe dirigé en France par Alexandre Viros offre une vision du marché de l’emploi qui se base sur les annonces publiées sur Internet, quelle que soit leur source. Il partage sa perception de l’année qui commence.
Quels sont les faits marquants aujourd’hui sur le marché de l’emploi ?
ALEXANDRE VIROS. Nous sommes passés d’un marché où l’on sélectionnait les candidats à un marché où il faut les séduire, compte tenu de la pénurie de profils avec les bonnes compétences, au bon endroit et au bon moment. Ce n’est d’ailleurs pas forcément encore entré dans l’esprit des employeurs. Cette évolution s’explique par la vigueur de la reprise économique, qui conduit à un niveau historique de nombre d’offres d’emploi publiées : 10 millions en 2021 et des perspectives encourageantes pour 2022 !
Qu’observez-vous sur les postes demandés ?
On a des demandes dans tous les secteurs et pour tous les niveaux. Mais je remarque deux faits importants. D’abord, le marché des cadres pourrait connaître sa meilleure année en 2022. Pour la première fois, il va y avoir plus de cadres que d’ouvriers en France ! » Ensuite, l’émergence des soft skills comme critère de recrutement. Trois quarts des offres publiées les mettent en avant. Il y a quatre ou cinq ans, c’était à peine plus de la moitié.
Comment définir ces soft skills ?
C’est ce que vous aimez faire ou ce que vous faites naturellement quand vous travaillez. Le top 3 de ces fameux savoir-être, c’est : orientation qualité (rigueur, sérieux…), analyse et résolution de problème, puis planification et organisation. Elles permettent de donner leur chance à des gens qui n’étaient pas forcément spécialistes au départ. L’élément clé, c’est la formation.
Télétravail, quête de sens… Quel impact sur le marché du travail ?
C’est le grand défi pour les recruteurs. Aujourd’hui, les candidats recherchent des beaux projets, des salaires attractifs. Les entreprises ont, elles, des besoins immédiats et un choix à offrir assez restreint. Ce sera l’équation à résoudre.
Quid du télétravail ?
Des études démontrent des approches assez contrastées du travail hybride. Il y a bien sûr les avantages : gain de temps de transport, meilleure productivité. Cependant, un certain état d’esprit peut disparaître : une entreprise n’est pas une somme d’individus mais une équipe. Par ailleurs, le télétravail a mis beaucoup de pression sur les manageurs. Avant, ils percevaient beaucoup de choses au travers des réunions ou des échanges informels. En télétravail, le manageur doit donner toute son énergie, c'est lui qui porte tout !
Comment faire?
La question c’est : comment construire une nouvelle façon de travailler autour d’un nouveau standard ? Comme lorsque l’on passe de l’atelier à l’usine ou d’un bureau fermé à un open space. Les entreprises, avec les manageurs, les ressources humaines et les dirigeants, doivent réinventer des façons de travailler innovantes. C’est un défi.
Certains métiers peinent à convaincre…
Oui, c’est pourquoi le droit à l’épanouissement dans son travail doit être également distribué, quels que soient son niveau dans la hiérarchie et son métier. L’augmentation des CDI, avec la sécurité qu’ils procurent, participe à cela, comme la qualité de vie au travail et l’équilibre avec la vie personnelle. Les employeurs le prennent de plus en plus en compte. Les CDI constituaient par exemple 63 % des offres sur le dernier trimestre 2021, soit 4 points de plus qu’en début d’année. C’est beaucoup !
L’hôtellerie-restauration doit compenser de nombreux départs…
C’est vrai et c’est sans doute pour cela qu’il y a eu des décisions fortes sur la revalorisation des salaires. Globalement, tous métiers confondus, selon l’observatoire annuel de la rémunération publié par notre filiale LHH, nous pensons que son évolution sera de l’ordre de 2,5 % en moyenne sur 2022. Pour la restauration, il y a sans doute aussi la question de la pénibilité et de certaines formes de management qui doivent être discutées. Là aussi, il faut se réinventer pour passer de la sélection à la séduction.
En faisant également évoluer les méthodes de recrutement ?
Évidemment. Si vous vous cantonnez à chercher des gens qui ont déjà fait le même métier avant, vous n’allez pas y arriver. Nous poussons depuis longtemps le recrutement sans CV. Il s’agit d’observer les comportements et le savoir-être en entretien, afin de détecter les candidats susceptibles de passer d’un secteur à un autre.
Êtes-vous optimiste pour la suite ?
Les chefs d’entreprise doivent garder une démarche ouverte dans leur recrutement. Les choses bougent très vite et il faut suivre le mouvement. Côté candidats, il s’agit de saisir les opportunités. Beaucoup de secteurs se reconfigurent et les entreprises sont dans l’obligation d’être attractives et de proposer des parcours. S’il y a un moment où il faut saisir sa chance et accepter de prendre quelques risques, c’est aujourd’hui.
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